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Fadhel Jaïbi: je refuse de mourir mon père… Jamel Heni
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Fadhel Jaïbi: je refuse de mourir mon père… Jamel Heni
Fadhel Jaïbi: je refuse de mourir mon père…
Jamel Heni
Ce papier fut refusé par une excellente rédaction de la place, une amie féministe s’esclaffa à l’unique intention de méditer le «dogme » théâtral : Fadhel Jaïbi ; même ma femme me fit la gueule en sanglotant : le nouveau théâtre, tu vas tout de même pas trouver à redire !!! Honnêtement, je ne reproche rien à mes amis. Le syndrome de l’artiste justifié, du contestataire incontesté s’explique et pas seulement par la publicité rédactionnelle d’une presse « instinctivement » et exclusivement élogieuse. Voici mon hypothèse.
Fadhel Jaïbi plaide de nouveau « lumière» et s’affirme être une « exception » dans l’histoire de la Tunisie sur Hannibal TV. Ce sont ses mots, sans la moindre paraphrase ! Une fois à l’occasion de Hadha Ana, du temps de Alaa Chabbi[1]. Une deuxième fois en commentaire à son « refuge » (aime-t-il à répéter) à la salle le Mondial, qui accueillera pour une durée de 09 mois Familia Production.
« Que le ministère mette à notre disposition le Mondial, est bon à prendre, commente-t-il. Nous ne cracherons pas dans la soupe. Mais j’ose encore croire que les autorités culturelles ont le devoir de soutenir des artistes de notre cran…Oui nous sommes les titans de la place théâtrale…Paradoxalement nous ne sommes pas toujours à la télé…Le mérite vous en revient (hannibal tv)…Non, nous n’avons pas arrêté la contestation. Et comment ?! Un artiste libre n’arrête pas de contester… ».
La petite personne de l’excellent réalisateur et fierté nationale, ne nous occupe pas ici. Nous ne traiterons pas non plus de sa production théâtrale. Sa prose suffisante nous impose, cependant, une réflexion. Pas seulement psychologique de l’ordre du « comment peut-on parler de soi ainsi ?!! ». Non, pas seulement.
Par-delà, une partie de notre sociologie y est jetée, un affect collectif qui investit de toutes les compétences terrestres, de toutes les qualités révolutionnaires nos artistes les plus brillants !!! Comme si nous en avions peur. Peur de s’attirer leurs foudres contestataires à tous crins, une divination a contrario, divination plus cléricale que soufie (tant elle s’applique physiquement à un homme ici-bas, à un artiste, à un concitoyen!!!)….Cela tient aussi à la sociologie de nos artistes eux-mêmes qui s’en tirent à bon compte en s’affublant de compétences sociales (politiques, syndicales, voire scientifiques !) bien au-delà de leurs compétences techniques avérées et généralement appréciées !!!
Sous d’autres cieux, cette folie des grandeurs, parce que c’en est une, aurait au moins été commentée, discutée, retournée dans tous les sens, excusée à la fin peut-être mais jamais tue, passée sous silence, comme cela est arrivé et arrivera probablement encore chez nous !
Nous n’avons pas d’hypothèse franche sur notre part de responsabilité dans cette cruelle absence de critique vis-à-vis des intellectuels!! L’intuition d’une structure tribalo-confrérique nous séduit à ce sujet, mais passons…
Nous avançons toutefois l’hypothèse chère au sociologue français Pierre Bourdieu en ce qui concerne la sociologie de l’intellectuel, en l’occurrence et par glissement conscient l’intellectuel tunisien. Le choix de Bourdieu, s’en trouve doublement indiqué par le mépris que nos intellectuels opposent à toute opinion compatriote d’une part et en vertu d’une « docilité » délibérée au syndrome du colonisé dont souffrent beaucoup d’entre eux d’autre part !!!!
Le mépris, oui c’en est bien un, que nos artistes tunisiens manifestent à l‘égard de la presse nationale et des contributions de certains de nos chercheurs, me rappellent la figure du contestataire incontesté, par simple disqualification de toute instance critique et par absolution de tout compte à rendre de leur contestation originelle, définitive et invariablement supérieure!!!
Figure du contestataire incontesté
Fadhel Jaïbi, homme de théâtre, mais aussi patron d’une maison de production, revendique le beurre de son statut : le devoir logistique et financier de l’Etat à l’égard des titans de la culture ! Il n’en revendique pas moins la figure du contestataire absolu « l’artiste est par définition contestataire » affirme-t-il… Le Pouvoir lui accorde des subventions, une « dé-censure » de son œuvre Khamsoun). Le pouvoir met à sa disposition une salle de théâtre (ce qu’il ne fait pas aux autres et ce que Fadhel Jaïbi justifie par l’unique excellence et précellence de sa production !!). Le pouvoir lui pardonne tout et le traite bien au regard de ce qui pourrait arriver à d’autres contestataires… !!!
Pourquoi. Eh bien, nous supposons que l’exécutif ne trouve aucune subversion réelle dans l’œuvre jaïbienne : son théâtre reprend les fondements explicites (désormais classiques) de la modernité : liberté, république, primauté du droit, figure de l’individu souverain, rationalisme, société civile, égalité, mixité, émancipation féminine, corps libre, liberté de conscience, un homme une voix, démocratie, justice sociale….Il n’y a rien de moins que l’idéologie officielle dans sa phase discursive ou simplement déclaratoire. Même la brillantissme khamsoun (au sens spectaculaire) ne remet pas en cause cela. Elle montre l’écart entre la législation et l’exécutif, elle le montre comme cela se fait chez Tawfik Jbali dans « klem ellil », voire dans certains bravissimes sketchs de Nahdi…Elle le montre crûment mais prise dans sa globalité, l’œuvre (brillantissime on y insiste) ne démontre rien, ni les limites morales et politiques de ce fossé (entre les textes de loi et le réel) ni son bien-fondé historique.
Nous ne pouvons nous empêcher ici de souligner la conception « actualiste »[2] de l’histoire tunisienne comme produit fini, une conception, qui traverse khamsoun de bout en bout. Où le processus d’évolution ne montre que son stade final : sans nœuds factuels ou symboliques, sans antécédents ni paternité. Où les gauchos n’évoluent pas du perspectivisme au parlementarisme (comme cela leur est réellement arrivé avec tajdid[3]) et où l’islamisme ressemble à une boîte de conserve sans date de mise au marché ni péremption. L’histoire de khamsoun se déploie d’emblée sur deux blocs idéologiques figés, comme deux rocs, sans la généalogie et sans les fissures des eaux, en un mot sans l’évolution des idées dans le temps !! ( remarquons au passage que le courant nationaliste est purement et simplement exclu de la fable !)…
Cependant, nos Khamsoun ne sont rien d’autre que le cumul des ichroun, thalathoun, arbaoun avant de devenir une cinquantaine d’année…Avant de se résumer, le texte était une histoire sans les vicissitudes de laquelle rien ne transparaît du dilemme définitif, rien ne se s’impose au spectateur de l’insoutenable « match » final de doctrines aussi barbue l’une que l’autre (la détestable régression islamiste et le stalinisme qui n’a pas le courage de dire son nom, le vrai) !!!
Or la première des attentes de plusieurs ne fut rien d’autre que cela : comment en est-on arrivé là. Comment et pourquoi !!!
Alors, alors ?! Alors, rien !!! Khamsoun montre, elle ne fait pas autre chose : de l’embrigadement islamiste à la torture en garde à vue. Or, montrer n’est toujours pas contester, montrer c’est bien montrer et ça n’est démontrer quoi que ce soit. Montrer est voyeur et cathartique. Ça permet de se jouer et de la victime et du bourreau à la fois, d’être sur deux chaises, l’un et l’autre, omnipotent, sans engagement et sans inclination. Sans pour ni contre. Le pied absolu, une conscience intemporelle, les délices d’une existence exempte de jugement à subir ou à tenir. Une position d’ange, sous prétexte d’objectivité. Lors même que contester c’est bien contester une partie ou l’autre ou les deux à la fois, mais c’est contester pour de bon en se salissant les mains, en disant ce que l’on pense, sinon avec ses tripes, du moins comme hypothèse subtile et au minimum équiprobable avec d’autres!
D’où ça vient alors l’illusion contestataire dans cette savoureuse monstration désengagée !! De quel engagement nous parle Si Fadhel, en l’absence assumée (dans toutes leurs interviews, et l’auteur et le réalisateur insistent sur la neutralité de khamsoun) du moindre engagement. Nous ne disons pas qu’il faille contester ou que l’exercice artistique soit un acte de contestation, ce « surmoi » réaliste, cette obligation d’engagement, ça n’est surtout pas notre idée, loin s’en faut. Ce sont les idées de Jaïbi, confrontées à elles-mêmes. C’est sa théorie de l’intellectuel, c’est aussi ce qu’il dit depuis toujours de sa pratique théâtrale « un artiste libre n’arrête jamais de contester » et pas seulement en dehors de son théâtre dans une démarche citoyenne, mais aussi et surtout sur les planches conçues par notre homme de théâtre comme une tribune : « La contestation est inhérente à l’acte artistique de la même façon que l’acte artistique est indissociable à l’acte de citoyenneté, et nous sommes citoyens avant d’être artistes. Contester c’est remettre en question un corps saint et en sursis de maladie, c’est aussi relever des anomalies. Un corps social, c’est pareil; une cité, un pays, des Institutions, des lois, …tout cela doit être passé au crible tous les jours…Contester, n’est pas détruire, c’est interroger !
Nous sommes conscients et fiers de la responsabilité qui est la nôtre. Il n’est pas donné à tout le monde de monter sur une tribune et de s’adresser à son prochain. Le théâtre est un art extrêmement redoutable parce qu’il implique une prise de parole et une audience et on ne peut pas se permettre de prendre une parole sans en mesurer les conséquences »[4].
Tout est dit, nous n’inventons rien. Tout Jaïbi est là. Mais face à khamsoun, contester ne nous a pas sauté aux yeux, ni ne s’imposait comme intuition, encore moins comme aboutissement. A la décharge des auteurs, le récit fut neutre, et pour tout dire nous l’aimons plutôt ainsi! Sans contestes et sans contestation.
L’incontesté contestaire
Pourquoi alors parler de contestation à tout bout de champ, à l’occasion de tout et de rien, en « contestologue » !!! Peut-être s’agit-il de mécanique, de rite linguistique, à défaut de contestation réelle.
Oui c’est probablement un rite bobo, un simple « tic » d’intellos ?!. Un argument de classe. Une « idéologie professionnelle » afin de justifier sa posture à cheval : à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du système !!!Oui c’est plutôt ce que l’on pense. C’est littéralement notre hypothèse (je dis bien hypothèse) La voici livrée par Bourdieu[5] : « Contre l’illusion d’un « intellectuel sans attaches ni racines » je rappelle que les intellectuels sont, en tant que détenteurs du capital culturel, une fraction (dominée) de la classe dominante. Et que nombre de leur prises de position en matière de politique par exemple, tiennent à l’ambiguïté de leur position de dominés parmi les dominants. Je rappelle aussi que l’appartenance au champ intellectuel implique des intérêts spécifiques…La critique des intellectuels, si critique il y a, est l’envers d’une exigence, d’une attente. Il me semble que c’est à condition qu’il connaisse et domine ce qui le détermine, que l’intellectuel peut remplir la fonction libératrice qu’il s’attribue, souvent de manière purement usurpée. Les intellectuels que scandalise l’intention même de classer cet inclassable montrent par là même combien ils sont éloignés de la conscience de leur vérité et de la liberté qu’elle pourrait leur procurer. Le privilège du sociologue (ici de l’intellectuel) est de se savoir classé et de savoir à peu prés où il se situe dans le classement !!! ».
Bourdieu redonne à la multitude son droit moderne de tenir la liberté d’expression des deux bouts. De remettre l’intellectuel dans le jeu des classements et le soumettre à la réfutation de la structure sociale et au classement politique. Sur le plan esthétique il permet de compléter un cycle tronqué : celui de la contestation à sens unique. Contestée et contestable, la figure contestataire usurpée par pure mauvaise foi narcissique, redevient ainsi liberté à double sens, liberté tout court. Et l’art et sa réception en sortent revigorés !!!
Enfin sur un plan plus psychologique : la réaffectation par Bourdieu de l’intellectuel dans sa structure sociale, laisse entrevoir une nouvelle hypothèse. On la reformulera ainsi : la figure du contestataire incontesté est littéralement une scandaleuse pirouette du moi. Après avoir tué le père, notre artiste refuse de subir le même sort par le fils !!! Depuis des années, l’unique contestataire toléré, s’arrange bien pour ne pas être contesté. Il se maintient comme intellectuel pur, comme progressiste absolu, en renvoyant perpétuellement toute critique soit à l’ignorance de son auteur soit à sa conscience de classe réactionnaire, sous prétexte d’avoir créé définitivement le nouveau théâtre (une répétition éternelle et incontestée du théâtre nouveau « absorbant toutes les nouvelles expériences qui lui succèderont ». C’est ainsi que Si Fadhel, n’en finit pas de tuer le père et le fils en même temps. Et bien je refuse de mourir papa !!!!
Jamel HENI
————————
source
http://www.tunisnews.net/13nov09f.htm
Jamel Heni
Ce papier fut refusé par une excellente rédaction de la place, une amie féministe s’esclaffa à l’unique intention de méditer le «dogme » théâtral : Fadhel Jaïbi ; même ma femme me fit la gueule en sanglotant : le nouveau théâtre, tu vas tout de même pas trouver à redire !!! Honnêtement, je ne reproche rien à mes amis. Le syndrome de l’artiste justifié, du contestataire incontesté s’explique et pas seulement par la publicité rédactionnelle d’une presse « instinctivement » et exclusivement élogieuse. Voici mon hypothèse.
Fadhel Jaïbi plaide de nouveau « lumière» et s’affirme être une « exception » dans l’histoire de la Tunisie sur Hannibal TV. Ce sont ses mots, sans la moindre paraphrase ! Une fois à l’occasion de Hadha Ana, du temps de Alaa Chabbi[1]. Une deuxième fois en commentaire à son « refuge » (aime-t-il à répéter) à la salle le Mondial, qui accueillera pour une durée de 09 mois Familia Production.
« Que le ministère mette à notre disposition le Mondial, est bon à prendre, commente-t-il. Nous ne cracherons pas dans la soupe. Mais j’ose encore croire que les autorités culturelles ont le devoir de soutenir des artistes de notre cran…Oui nous sommes les titans de la place théâtrale…Paradoxalement nous ne sommes pas toujours à la télé…Le mérite vous en revient (hannibal tv)…Non, nous n’avons pas arrêté la contestation. Et comment ?! Un artiste libre n’arrête pas de contester… ».
La petite personne de l’excellent réalisateur et fierté nationale, ne nous occupe pas ici. Nous ne traiterons pas non plus de sa production théâtrale. Sa prose suffisante nous impose, cependant, une réflexion. Pas seulement psychologique de l’ordre du « comment peut-on parler de soi ainsi ?!! ». Non, pas seulement.
Par-delà, une partie de notre sociologie y est jetée, un affect collectif qui investit de toutes les compétences terrestres, de toutes les qualités révolutionnaires nos artistes les plus brillants !!! Comme si nous en avions peur. Peur de s’attirer leurs foudres contestataires à tous crins, une divination a contrario, divination plus cléricale que soufie (tant elle s’applique physiquement à un homme ici-bas, à un artiste, à un concitoyen!!!)….Cela tient aussi à la sociologie de nos artistes eux-mêmes qui s’en tirent à bon compte en s’affublant de compétences sociales (politiques, syndicales, voire scientifiques !) bien au-delà de leurs compétences techniques avérées et généralement appréciées !!!
Sous d’autres cieux, cette folie des grandeurs, parce que c’en est une, aurait au moins été commentée, discutée, retournée dans tous les sens, excusée à la fin peut-être mais jamais tue, passée sous silence, comme cela est arrivé et arrivera probablement encore chez nous !
Nous n’avons pas d’hypothèse franche sur notre part de responsabilité dans cette cruelle absence de critique vis-à-vis des intellectuels!! L’intuition d’une structure tribalo-confrérique nous séduit à ce sujet, mais passons…
Nous avançons toutefois l’hypothèse chère au sociologue français Pierre Bourdieu en ce qui concerne la sociologie de l’intellectuel, en l’occurrence et par glissement conscient l’intellectuel tunisien. Le choix de Bourdieu, s’en trouve doublement indiqué par le mépris que nos intellectuels opposent à toute opinion compatriote d’une part et en vertu d’une « docilité » délibérée au syndrome du colonisé dont souffrent beaucoup d’entre eux d’autre part !!!!
Le mépris, oui c’en est bien un, que nos artistes tunisiens manifestent à l‘égard de la presse nationale et des contributions de certains de nos chercheurs, me rappellent la figure du contestataire incontesté, par simple disqualification de toute instance critique et par absolution de tout compte à rendre de leur contestation originelle, définitive et invariablement supérieure!!!
Figure du contestataire incontesté
Fadhel Jaïbi, homme de théâtre, mais aussi patron d’une maison de production, revendique le beurre de son statut : le devoir logistique et financier de l’Etat à l’égard des titans de la culture ! Il n’en revendique pas moins la figure du contestataire absolu « l’artiste est par définition contestataire » affirme-t-il… Le Pouvoir lui accorde des subventions, une « dé-censure » de son œuvre Khamsoun). Le pouvoir met à sa disposition une salle de théâtre (ce qu’il ne fait pas aux autres et ce que Fadhel Jaïbi justifie par l’unique excellence et précellence de sa production !!). Le pouvoir lui pardonne tout et le traite bien au regard de ce qui pourrait arriver à d’autres contestataires… !!!
Pourquoi. Eh bien, nous supposons que l’exécutif ne trouve aucune subversion réelle dans l’œuvre jaïbienne : son théâtre reprend les fondements explicites (désormais classiques) de la modernité : liberté, république, primauté du droit, figure de l’individu souverain, rationalisme, société civile, égalité, mixité, émancipation féminine, corps libre, liberté de conscience, un homme une voix, démocratie, justice sociale….Il n’y a rien de moins que l’idéologie officielle dans sa phase discursive ou simplement déclaratoire. Même la brillantissme khamsoun (au sens spectaculaire) ne remet pas en cause cela. Elle montre l’écart entre la législation et l’exécutif, elle le montre comme cela se fait chez Tawfik Jbali dans « klem ellil », voire dans certains bravissimes sketchs de Nahdi…Elle le montre crûment mais prise dans sa globalité, l’œuvre (brillantissime on y insiste) ne démontre rien, ni les limites morales et politiques de ce fossé (entre les textes de loi et le réel) ni son bien-fondé historique.
Nous ne pouvons nous empêcher ici de souligner la conception « actualiste »[2] de l’histoire tunisienne comme produit fini, une conception, qui traverse khamsoun de bout en bout. Où le processus d’évolution ne montre que son stade final : sans nœuds factuels ou symboliques, sans antécédents ni paternité. Où les gauchos n’évoluent pas du perspectivisme au parlementarisme (comme cela leur est réellement arrivé avec tajdid[3]) et où l’islamisme ressemble à une boîte de conserve sans date de mise au marché ni péremption. L’histoire de khamsoun se déploie d’emblée sur deux blocs idéologiques figés, comme deux rocs, sans la généalogie et sans les fissures des eaux, en un mot sans l’évolution des idées dans le temps !! ( remarquons au passage que le courant nationaliste est purement et simplement exclu de la fable !)…
Cependant, nos Khamsoun ne sont rien d’autre que le cumul des ichroun, thalathoun, arbaoun avant de devenir une cinquantaine d’année…Avant de se résumer, le texte était une histoire sans les vicissitudes de laquelle rien ne transparaît du dilemme définitif, rien ne se s’impose au spectateur de l’insoutenable « match » final de doctrines aussi barbue l’une que l’autre (la détestable régression islamiste et le stalinisme qui n’a pas le courage de dire son nom, le vrai) !!!
Or la première des attentes de plusieurs ne fut rien d’autre que cela : comment en est-on arrivé là. Comment et pourquoi !!!
Alors, alors ?! Alors, rien !!! Khamsoun montre, elle ne fait pas autre chose : de l’embrigadement islamiste à la torture en garde à vue. Or, montrer n’est toujours pas contester, montrer c’est bien montrer et ça n’est démontrer quoi que ce soit. Montrer est voyeur et cathartique. Ça permet de se jouer et de la victime et du bourreau à la fois, d’être sur deux chaises, l’un et l’autre, omnipotent, sans engagement et sans inclination. Sans pour ni contre. Le pied absolu, une conscience intemporelle, les délices d’une existence exempte de jugement à subir ou à tenir. Une position d’ange, sous prétexte d’objectivité. Lors même que contester c’est bien contester une partie ou l’autre ou les deux à la fois, mais c’est contester pour de bon en se salissant les mains, en disant ce que l’on pense, sinon avec ses tripes, du moins comme hypothèse subtile et au minimum équiprobable avec d’autres!
D’où ça vient alors l’illusion contestataire dans cette savoureuse monstration désengagée !! De quel engagement nous parle Si Fadhel, en l’absence assumée (dans toutes leurs interviews, et l’auteur et le réalisateur insistent sur la neutralité de khamsoun) du moindre engagement. Nous ne disons pas qu’il faille contester ou que l’exercice artistique soit un acte de contestation, ce « surmoi » réaliste, cette obligation d’engagement, ça n’est surtout pas notre idée, loin s’en faut. Ce sont les idées de Jaïbi, confrontées à elles-mêmes. C’est sa théorie de l’intellectuel, c’est aussi ce qu’il dit depuis toujours de sa pratique théâtrale « un artiste libre n’arrête jamais de contester » et pas seulement en dehors de son théâtre dans une démarche citoyenne, mais aussi et surtout sur les planches conçues par notre homme de théâtre comme une tribune : « La contestation est inhérente à l’acte artistique de la même façon que l’acte artistique est indissociable à l’acte de citoyenneté, et nous sommes citoyens avant d’être artistes. Contester c’est remettre en question un corps saint et en sursis de maladie, c’est aussi relever des anomalies. Un corps social, c’est pareil; une cité, un pays, des Institutions, des lois, …tout cela doit être passé au crible tous les jours…Contester, n’est pas détruire, c’est interroger !
Nous sommes conscients et fiers de la responsabilité qui est la nôtre. Il n’est pas donné à tout le monde de monter sur une tribune et de s’adresser à son prochain. Le théâtre est un art extrêmement redoutable parce qu’il implique une prise de parole et une audience et on ne peut pas se permettre de prendre une parole sans en mesurer les conséquences »[4].
Tout est dit, nous n’inventons rien. Tout Jaïbi est là. Mais face à khamsoun, contester ne nous a pas sauté aux yeux, ni ne s’imposait comme intuition, encore moins comme aboutissement. A la décharge des auteurs, le récit fut neutre, et pour tout dire nous l’aimons plutôt ainsi! Sans contestes et sans contestation.
L’incontesté contestaire
Pourquoi alors parler de contestation à tout bout de champ, à l’occasion de tout et de rien, en « contestologue » !!! Peut-être s’agit-il de mécanique, de rite linguistique, à défaut de contestation réelle.
Oui c’est probablement un rite bobo, un simple « tic » d’intellos ?!. Un argument de classe. Une « idéologie professionnelle » afin de justifier sa posture à cheval : à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du système !!!Oui c’est plutôt ce que l’on pense. C’est littéralement notre hypothèse (je dis bien hypothèse) La voici livrée par Bourdieu[5] : « Contre l’illusion d’un « intellectuel sans attaches ni racines » je rappelle que les intellectuels sont, en tant que détenteurs du capital culturel, une fraction (dominée) de la classe dominante. Et que nombre de leur prises de position en matière de politique par exemple, tiennent à l’ambiguïté de leur position de dominés parmi les dominants. Je rappelle aussi que l’appartenance au champ intellectuel implique des intérêts spécifiques…La critique des intellectuels, si critique il y a, est l’envers d’une exigence, d’une attente. Il me semble que c’est à condition qu’il connaisse et domine ce qui le détermine, que l’intellectuel peut remplir la fonction libératrice qu’il s’attribue, souvent de manière purement usurpée. Les intellectuels que scandalise l’intention même de classer cet inclassable montrent par là même combien ils sont éloignés de la conscience de leur vérité et de la liberté qu’elle pourrait leur procurer. Le privilège du sociologue (ici de l’intellectuel) est de se savoir classé et de savoir à peu prés où il se situe dans le classement !!! ».
Bourdieu redonne à la multitude son droit moderne de tenir la liberté d’expression des deux bouts. De remettre l’intellectuel dans le jeu des classements et le soumettre à la réfutation de la structure sociale et au classement politique. Sur le plan esthétique il permet de compléter un cycle tronqué : celui de la contestation à sens unique. Contestée et contestable, la figure contestataire usurpée par pure mauvaise foi narcissique, redevient ainsi liberté à double sens, liberté tout court. Et l’art et sa réception en sortent revigorés !!!
Enfin sur un plan plus psychologique : la réaffectation par Bourdieu de l’intellectuel dans sa structure sociale, laisse entrevoir une nouvelle hypothèse. On la reformulera ainsi : la figure du contestataire incontesté est littéralement une scandaleuse pirouette du moi. Après avoir tué le père, notre artiste refuse de subir le même sort par le fils !!! Depuis des années, l’unique contestataire toléré, s’arrange bien pour ne pas être contesté. Il se maintient comme intellectuel pur, comme progressiste absolu, en renvoyant perpétuellement toute critique soit à l’ignorance de son auteur soit à sa conscience de classe réactionnaire, sous prétexte d’avoir créé définitivement le nouveau théâtre (une répétition éternelle et incontestée du théâtre nouveau « absorbant toutes les nouvelles expériences qui lui succèderont ». C’est ainsi que Si Fadhel, n’en finit pas de tuer le père et le fils en même temps. Et bien je refuse de mourir papa !!!!
Jamel HENI
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filsduprophete- Messages : 14
Date d'inscription : 14/11/2009
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